Développement des pépinières villageoises et opportunité d’emploi pour les femmes

Dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun

Les zones sèches du Cameroun, une zone écologiquement fragile

Dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, la gestion durable des forêts demeure une préoccupation majeure. En 2015 une étude menée par le Ministère de l’Environnement estime à 3.316.770 ha affectés par le phénomène de dégradation. Parmi les principaux facteurs de dégradation on retrouve en première place l’exploitation anarchique des ressources forestières pour les besoins de subsistance. Ceci est accentué par l’explosion démographique (près de 4 186 844 Habitants/34 246 personnes au km2 en 2017).

Sur le plan économique, les plantations forestières jouent un rôle important dans les stratégies de développement notamment celui du secteur rural. On note les retombées économiques qui découlent de la valorisation des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL). Celles-ci contribuent inéluctablement à générer les revenus et à créer de nouveaux emplois pour certains groupes vulnérables.

Business biodiversity et approche chaine de valeur

Le concept de «business biodiversity» est défini comme la génération de profits par des entreprises commerciales à travers des processus de production qui conservent la biodiversité, utilisent durablement les ressources biologiques et partagent équitablement les avantages issus de leur utilisation (Bishop, 2010).

Dans la région de l’Extrême-Nord, un modèle relatif à l’impulsion de la « business biodiversity » est en voie de test. Il a pour centre la valorisation effective et efficace de l’Azadirachta indica plus communément connu sous le nom de « Neem » de même que d’autres espèces forestières. Le but recherché ici est de motiver les groupes vulnérables de la société à se constituer en entreprise dont l’objectif est de tirer davantage des bénéfices découlant de la mise en valeur des différents produits issus de ces essences forestières. Le modèle a été élaboré selon l’approche chaine de valeur dont l’objectif principal est de subvenir aux besoins des consommateurs tout en motivant les différents acteurs directement impliqués dans les différents maillons à se mettre ensemble et tisser des liens de partenariat efficaces.

Pour se faire, l’accent a premièrement été mis sur les facteurs de production des plants qui repose principalement sur les techniques simples de mise en place des pépinières et la multiplication par semi.

Mise en œuvre par le Programme d’appui à la mise en œuvre de la stratégie de développement du secteur rural volets Forets et Environnement (ProPFE) de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH avec les Ministères des Forêts et de la Faune (MINFOF), les activités de production des essences forestières ont été lancées. Une approche focalisée sur l’accompagnement au reboisement suivant un mécanisme de renforcement des capacités et d’appui direct aux communautés a été développée à cet effet.

Une approche sectorielle avec les femmes au centre

Dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, les femmes représentent 25 à 35 % des organisations. Elles jouent un grand rôle pour la promotion du développement local et exercent une certaine influence sur la prise des décisions.  (ONU FEMME). Malgré ces facteurs, les femmes constituent un groupe vulnérable dans cette région où elles n’ont pas toujours accès à la terre. L’objectif recherché par l’approche est de motiver davantage les femmes à s’engager pour la protection de l’environnement tout en bénéficiant des avantages substantiels qui pourraient en découler et améliorer durablement leurs conditions de vie.

A travers la mise en place des pépinières écoles (servant de centre de formation), les pépiniéristes relais sont formés sur les itinéraires techniques de production et de plantation d’arbres. Il faut noter que dans la plupart des initiatives engagées pour les activités de reboisement, plusieurs faiblesses sont identifiées, notamment les faibles capacités techniques des communautés locales et leur implication. Egalement, la non adaptation des essences mises en terre au contexte socioculturel et aux besoins des communautés. Tout ceci a un impact considérable sur le reboisement à vocation économique.  A cet effet, cette approche vient répondre aux problèmes suscités en renforcement des capacités des associations paysannes aux techniques sylvicoles de base. Elle inclut les étapes telles que la sensibilisation et mobilisation des populations rurales, le suivi post formation et encadrement des pépiniéristes individuels et se focalise sur les femmes comme moteurs de l’initiative et cible les PFNL et autres produits agro-forestiers (PAF) utiles valorisés par ces dernières. Elle met au centre le Ministère des forêts et de la Faune dans son rôle clé d’accompagnement du reboisement et suivant un mécanisme novateur de renforcement des capacités et d’appui direct aux communautés. Les formations sont facilitées par les services déconcentrés du MINFOF et la commune à laquelle chaque groupes ou communautés de femmes est rattaché. Il s’agit ici de faciliter le suivi statistique de même que les impacts écologique et socioéconomique enclenchés par l’approche.

Pour se faire, les groupes de femmes ont été constitués en réseau bien structurés et organisés. Ceux-ci ont alors pu bénéficier du matériel destiné à la production des plants tels que  les brouettes, pioches, pelles, sécateurs et pulvérisateurs de même que des intrants (semences) pour la production des plants.

De la mise en œuvre aux résultats probants

La mise en œuvre de cette approche a permis la formation de 326 pépiniéristes relais avec 89% de femmes sur les techniques de mise en place des pépinières (acquissions des semences, traitement des semences, préparation du terreau, le semi et l’entretien des plants en pépinière) et la conduite de la plantation (transport des plants, préparation du site, mise en terre et protection des plants). De Décembre 2017 à juin 2018, 18414 plants (5524 fruitiers et 12889 forestiers) ont été produits et plantés dans les communes de Maroua 1er, Maroua 2e, Maroua 3e, Kaélé et Yagoua. Les principales essences sont l’Azadirachta indica, le Moringa oleifera, le Balanites aegyptiaca, le cassia siamea, l’adansonia digitata, le tamarindus indica

Par ailleurs dans le circuit de distribution des plants produits, la commercialisation occupe une place importante (se plaçant en second plan dudit circuit). En effet, on enregistre au sein des réseaux de femme plus de 6640 plants de Neem vendus en 2018 par les pépiniéristes formées pour une valeur marchande d’environ 996.000 Frs CFA par an (1600 EUR). La mise en plantation de ces plants de même que leur entretient en champ contribueront à la préservation et la restauration des écosystèmes, à la lutte contre la désertification et l’inversion du processus de dégradation des terres. Les actions de vente ont contribué à réduire la pauvreté par les revenus issus de la vente des plants. De même, grâce aux différents revenus créés, les femmes ont affirmé être plus autonomes financièrement et ont pu briser certains tabous qui réservaient la production des plants uniquement aux hommes.

Rentabilité financière à travers la production des plants

Au départ, de l’approche, les plants produits étaient destinés à être mise en terre dans les agro-forêts et derrière et autour des cases. C’est ce qui explique le fort taux de représentativité de la finalité des plants produits jusqu’à présent (40%). Mais aujourd’hui une opportunité de vente des plants produits en pépinière s’est ajoutée dans le processus. Les productrices de plants ont directement été mises en relation avec diverses institutions ou groupement  directement intéressés par les activités de reboisement. La production est ainsi mise en relation avec la demande du marché et les besoins spécifiques aux différents groupes de femmes.

Faisant référence aux plants lors de la mise œuvre du modèle, notamment le Neem (Azadirachta indica.

Faisant référence aux plants vendus dans la mise en œuvre du modèle, une analyse de rentabilité a été réalisée pour la production du Neem. La vente des plants selon le graphique 1 représente 27% de la distribution des plants produits.

Le prix d’achat des plants forestiers étant en moyenne de 150 Fcfa (0,23 EUR), il a été facile de déterminer le revenu moyen de production de 500 plants de Neem à partir des données de productrices. Les tableaux ci-dessous consigne les résultats sur la rentabilité financière de production de 500 plants de Neem.

Les tableaux montrent que la production de 500 plants de Neem sur une période de 04 mois génère 61800 Fcfa (95 EUR) Fcfa de recette au producteur.Lle revenu net d’exploitation de ladite production est positif, soit 20.000 Fcfa généré mensuellement par le producteur.  En se projetant sur le long terme, avec des demandes plus probantes (1000 plants par exemple), ceci fera gagner 120.000 Frs (214 EUR) pour une période de quatre mois chaque année.

Ces revenus contribuent pour la plupart à des besoins familiaux liées à la santé, l’alimentation et l’achat des vêtements. Pour les grands producteurs, les revenus plus substantiels pourront servir à certains investissements comme la construction des habitations et des moyens de déplacement.

Nous avons été formées sur les technique de productions des plants en 2017. Au départ, la production était destinée aux plantations. Grâce à ma petite expérience dans la production des plants, j’ai pu vendre 1200 plants de Neem à ce jour aux particuliers. Cela m’a permis d’acheter une parcelle de terrain à Makabaye (périphérie de Maroua) et assurer quelques dépenses pour ma famille

Simké Danigué, Membre des réseaux de femme (Tel : 00237 694207534)

Il faut noter que les acheteurs répertoriés sont pour la plupart des particuliers. Mais il existe des opportunités pour les pépiniéristes voulant s’investir. On note que l’avancée du désert pousse l’Etat à trouver des solutions idoines. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les communes des régions de l’Extrême-Nord (dont les réserves ont été transférées) reçoivent chaque année des subventions pour le reboisement de 10.000 plants d’azadirachta indica, Acacia sp et d’autre essence. Ces subventions représentent à moyenne 100.000 plants pour la région de l’Extrême-Nord soit une valeur 15.000.000 Fcfa. Sur la base moyenne de production de 500 plants par pépiniéristes cela pourra créer d’emploi à plus de 200 pépiniéristes chaque année.

Au regard des résultats probants de l’approche de développement des pépinières villageoises et plantation individuel, il est nécessaire d’apporter davantage des appuis aux systèmes de production des plants et considérer le maillon de production comme socle de développement communautaire dans les zones à écologie fragile.

Par

AOUTACKSA Abraham, ProPFE and  TCHIGANKONG Désiré, ProPFE Extrême-Nord

Référence

  • Bishop, J., 2010. The economics of ecosystems and biodiversity. TEEB report for business.
  • Plan National de développement des Produits forestier Non Ligneux, MINFOF Camerooun 2018