La Stratégie 2020 face au défi de l’employabilité des jeunes

Dans le Secteur vert en République démocratique du Congo

En République Démocratique du Congo, le programme de maintien de la Biodiversité et de Gestion durable des Forêts (BGF) de la GIZ accompagne depuis sept ans la mise en œuvre de la Stratégie 2020, une initiative conjointe des ministères de l’Environnement et Développement Durable (MEDD) et de l’Enseignement Supérieur et Universitaire (MINESU). Elle vise, à l’échéance 2020, la mise en place d’un réseau de formation opérationnel en Gestion des Ressources Naturelles Renouvelables (GRNR) remplaçant les anciens cursus en Eaux et Forêts. Le format d’enseignement est le LMD ou licence – master – doctorat, inspiré du Processus de Bologne, et concerne sept établissements d’enseignement supérieur. L’objectif poursuivi par la création de cette filière de formation est de fournir aux employeurs, privés comme publics, du secteur vert en RDC, des jeunes hommes et jeunes femmes bien formés et dotés de compétences solides pour la gestion efficace des nombreuses et importantes ressources naturelles du pays.

Des diplômés en Licence recherche en aménagement des écosystèmes de l’Université de Kinshasa lors de leur cérémonie de collation de grade académique  ⎟ Photo: © GIZ

Depuis 2014, près de 450 diplômés, dont 21% de femmes, issus de la nouvelle filière de GRNR, ont rejoint le marché de l’emploi. Cependant, l’insertion professionnelle des jeunes diplômés s’avère être un challenge à part entière. Le contexte congolais est fragile, en raison notamment de la situation économique précaire et du niveau de pauvreté élevé. Le taux de chômage aurait connu une baisse de 15 % de 1997 à 2018 selon le Chef de l’Etat dans son discours à la Nation du 19 juillet 2018, ou aurait baissé de 84 à 40 % en moyenne de 2001 à 2017 selon l’Agence nationale pour la promotion des investissements; d’autres sources encore (Congo Autrement en mai 2018) l’estiment à 46 % de la population active. Ces estimations ne donnent que peu d’informations sur des paramètres tels que l’importance du secteur informel, les emplois à temps partiel, le sous-emploi dans l’agriculture par exemple. La politique de recrutement au sein de la fonction publique demeure chancelante malgré un vaste projet de réforme institutionnelle encore en cours et qui doit faire face à la gestion d’une pléthore d’agents en attente de mécanisation. A titre d’exemple, le mois d’août 2018 a vu la régularisation de la situation d’embauche de près de 4700 agents nouvelles unités au MEDD, sur un total d’environ 10 000 nouvelles unités répertoriées en 2010 pour le même ministère, rien que dans la ville province de Kinshasa. Cette situation illustre bien la difficulté qui existe pour les jeunes diplômés à se trouver une place au sein de l’administration publique, au moment où nombre de ceux qui les ont précédés espèrent encore la régularisation de leur situation.

Photo: © GIZ ⎟ Des étudiants de la filière de GRNR de l’Université de Kisangani en séance pratique sur le terrain, accompagnés de leur enseignant

Au regard du contexte congolais, il apparait clairement que la question de l’employabilité va bien au-delà de la seule sphère d’influence de la Stratégie 2020 et de ses partenaires de mise en œuvre. La professionnalisation n’en demeure pas moins une exigence du LMD. Ainsi, les partenaires ont opté pour un certain nombre de mesures complémentaires en vue de soutenir l’employabilité des diplômés des filières de GRNR. Il s’agit en amont de faire en sorte que les filières nouvellement créées répondent autant que faire se peut à l’exigence de professionnalisation de la formation. Lors de l’élaboration des nouveaux plans d’étude en GRNR, en 2012, l’adéquation de la formation aux compétences requises dans les divers secteurs du marché de l’emploi a fait l’objet d’une attention particulière. Parallèlement, l’importance accordée à certaines matières traditionnelles de la formation forestière a été revue à la baisse pour faire place à des thématiques émergentes à l’instar du changement climatique et de la foresterie du climat, de l’interface homme-ressources naturelles avec la sociologie rurale, de l’entreprenariat. La dotation de matières telles que l’anglais, l’informatique et la biométrie a été revue à la hausse. Une place significative est accordée à la pratique professionnelle et à des stages de qualité planifiés tout au long du cursus. Dans ce contexte, le BGF a appuyé  l’élaboration d’un Guide de stage en GRNR des institutions de la Stratégie 2020 dans le but de standardiser la qualité des stages au sein des institutions partenaires.

Une diplômée du master recherche en Conservation de la Biodiversité de l’Université de Lubumbashi présentant les résultats de sa recherche à un employeur potentiel lors du Salon de l’Emploi à Lubumbashi en octobre 2017  ⎟ Photo: © GIZ

A l’aval de la formation académique, le Programme BGF appuie de diverses manières le renforcement des capacités des acteurs. En ce qui concerne les étudiants et jeunes diplômés, il s’agit d’améliorer leur aptitude à affronter le marché de l’emploi. En 2017 et 2018 par exemple, 170 jeunes diplômés de la filière de GRNR (dont 22 % de femmes) ont bénéficié d’un coaching en techniques de recherche d’emploi ou de conception d’un stage professionnel. Le BGF mise également sur des activités de relations publiques favorisant l’émergence d’interfaces d’échange entre le monde professionnel et les milieux académiques. Un exemple phare de cet appui réside dans l’organisation de deux salons de l’emploi en faveur de 40 diplômés, dont 11 titulaires d’un master de recherche en Conservation de la Biodiversité, les premiers issus d’un système de formation au format LMD en RDC.

Une diplômée du master recherche en Conservation de la Biodiversité de l’Université de Lubumbashi présentant les résultats de sa recherche à un employeur potentiel lors du Salon de l’Emploi à Lubumbashi en octobre 2017  ⎟ Photo: © GIZ

Sur le plan quantitatif, la question de l’insertion professionnelle des diplômés en GRNR, notamment dans le secteur vert, n’a pas de réponse fiable pour l’heure, faute de suivi au niveau des établissements de formation ou du Ministère. Une évaluation interne au BGF menée à la fin de l’année 2015 et portant sur le niveau de satisfaction des employeurs du secteur vert de RDC, ayant engagé des diplômés issus des cohortes de la Stratégie 2020 (GRNR) et du Projet (antérieur) de formation en gestion des ressources naturelles (FOGRN) est arrivé à la conclusion que « … 45% des diplômés contactés sont soit engagés dans une structure, soit réalisent un stage professionnel, soit prestent en tant que consultant indépendant ». Au titre des structures, 5 ONG ou organismes internationaux sont mentionnés. Sur cette base et compte tenu d’informations obtenues par ailleurs, il est possible d’avancer quelques estimations :

  • le passage à la fonction publique est insignifiant pour l’heure en raison des faibles capacités de recrutement de cet employeur qui représentait jadis, avec l’enseignement et la recherche, une carrière prisée des forestiers
  • il semble que la voie universitaire, dans l’alma mater ou ailleurs, permettant d’aborder une carrière d’enseignant-chercheur avec une thèse de doctorat représente encore et toujours une option intéressante
  • le secteur privé, notamment les compagnies d’exploitation du bois, sont des employeurs potentiels, mais on ne sait pas s’ils engagent des diplômés en GRNR
  • le secteur privé associatif (les ONG) constitue également un employeur potentiel

Une enquête est actuellement en cours au BGF afin de pouvoir disposer de meilleures indications sur cette question.

Afin d’assurer une formation de qualité dans les filières de GRNR et favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’acteurs compétents et au bénéfice d’une formation moderne, la Stratégie 2020 doit faire face à de nombreux défis. Parmi ceux-ci, la résistance au changement est l’un des plus importants. Les différents acteurs sont appelés à s’approprier ce que l’on peut appeler « l’esprit LMD », qui implique un changement des comportements à tous les niveaux du système éducatif national et chez tous les acteurs. Il y faudra du temps. Mais les expériences accumulées dans le cadre de cette initiative pilote qu’est la Stratégie 2020 sont appelées à être répliquées et adaptées à l’échelle du pays. Le Cadre normatif du système LMD en RDC, un document d’orientation et de régulation de la réforme, est une parfaite illustration de la capitalisation des expériences au sein de la filière de GRNR au profit de l’ensemble de l’enseignement supérieur congolais.

Auteure

Sarah Mambu, Conseillère Technique GIZ/BGF, RD Congo