Droits de l’homme et zones protégées
Regardons le cas du parc national de Kahuzi Biega en RDC
Populations autochtones de Kalonge, village à proximité du PNKB
Photo: © Joseph Itongwa (REPALEF RDC)
Améliorer les conditions de vie de la population tout en promouvant le respect des droits de l’homme, y compris ceux des peuples indigènes, a été un principe fort de la coopération allemande au développement dès le début de son engagement dans la conservation des forêts et de la biodiversité. Parallèlement, les normes internationales en matière de droits de l’homme et les exigences de la politique de développement du BMZ ne cessent d’évoluer.
Entre-temps, le soutien de l’Allemagne à la conservation de la nature par le biais d’aires protégées dans le bassin du Congo a fait l’objet d’une attention accrue de la part des organisations de défense des droits de l’homme et des membres du parlement allemand. Dans ce contexte, les projets membres de la SNRD Afrique dans la région se sont penchés de manière intensive sur le sujet au cours de l’année écoulée et ont échangé des expériences avec la KfW sur six questions clés relatives aux droits de l’homme exigeant une attention particulière.
Questions relatives aux droits de l’homme qui exigent une attention particulière
- Le droit des peuples autochtones à la consultation ou au consentement préalable, libre et éclairé (CLIP)
- Autres formes de participation et de codétermination, y compris les mécanismes de plainte
- Réinstallation et restriction de l’utilisation des ressources naturelles (déplacement physique et économique) résultant de la création et de la gestion des aires protégées
- Rétablir les moyens de subsistance de la population locale, y compris les mécanismes de compensation
- Violations des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le braconnage et l’application des lois
- Faire face aux injustices historiques concernant la création d’aires protégées (par exemple, manque de consultation, manque de soutien pour la reconstruction des moyens de subsistance perdus) qui affectent encore la situation actuelle.
Le bassin du Congo est l’un des environnements les plus difficiles pour soutenir la réalisation d’une approche fondée sur les droits de l’homme qui favorise la conservation de la biodiversité ainsi que les droits des peuples autochtones et des communautés locales au développement économique, social et culturel, la participation et l’accès à la justice.
Photo de famille du Dialogue entre l’institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et les communautés, plus particulièrement les populations autochtones en présence du Directeur général de l’ICCN et d’autres autorités provinciales
Photo: © Joseph Itongwa (REPALEF RDC)
Exemple : Parc national de Kahuzi Biega en RDC
Le parc national de Kahuzi Biega (PNKB) ea été créé en 1970 avec une superficie de 60 000ha par le Président Mobutu, qui l’a agrandit en 1975 et lui a ainsi donné une superficie de 600 000ha. En 1980 il a été classé comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO et fait partie des 5 Parcs nationaux de la RDC figurant parmi les biens mondiaux de l’UNESCO. Malheureusement depuis 1997, il fait partie de la liste des sites en péril, entre autres, en raison des conflits armés qu’a connu la RDC et plus particulièrement sa partie Est, pendant plus de deux décennies.
Bien que les relations entre l’administration du Parc et les communautés aient toujours été jonchées d’une tension latente notamment en raison de l’expulsion des populations autochtones et locales lors de l’extension du parc, le rôle important qu’ont joué les populations riveraines pendant la guerre pour conserver les biens du parc et les aides que l’administration du parc a apporté aux populations sinistrées ont contribuer à créer un sentiment de confiance entre ces dernières.
Malheureusement, depuis août 2017 les relations entre le PNKB et les populations autochtones se sont considérablement dégradées. Cette situation fait suite, à la mort d’un PA ayant succombé à des blessures par balles tirés par un écogardes. Depuis lors tant du côté des écogardes que des PA on dénombre plusieurs décès que chacun des camps attribue à l’autre. Une illustration de cette situation est l’occupation par les PA d’une partie du parc depuis août 2018. Bien que les incidents soient déclarés et que des plaintes aient été déposées auprès des autorités compétentes, le suivi de ces dossiers sont mitigés et les PA se sentent encore plus marginalisées par les décisions prises, lorsque c’est le cas par ces autorités.
Actions du BGF
Au regard de cette situation Ô combien préoccupante, le programme de maintien de la Biodiversité et gestion durable des forêts de la GIZ (BGF) a initié plusieurs actions dans le but de contribuer à l’apaisement des tensions entre l’ICCN-PNKB et les PA.
- L’élaboration en cours d’un mécanisme de gestion des plaintes, dont l’étape actuelle a consisté à faire une typologie des conflits existants entre les parties prenantes pour mieux circonscrire ceux pouvant être traités par un tel mécanisme ;
- D’un appui à la mise en œuvre du programme de conservation communautaire de l’ICCN permettant aux agents du PNKB d’interagir avec les membres des structures de gouvernance communautaires (CLD, CCC/CLCD, CGCD, CoCoSi,…) dans lesquelles les PA sont représentées, sur des questions de conservation et de développement local
- D’un appui aux plate formes de dialogue entre les PA et le PNKB, à l’instar de l’atelier tenu du 19 au 20 septembre avec l’appui du BGF et de la KfW qui a abouti à une ‘Déclaration de Bukavu’ signée par les parties en conflits, dans laquelle ces dernières s’engagent à travailler ensemble pour le rétablissement de la paix et de la cohabitation pacifique entre écogardes et peuples autochtones en vue de la conservation des valeurs biologiques exceptionnelles du PNKB.
- Le Renforcement des capacités des communautés autochtones par des associations qui leur sont propres pour assurer qu’elles soient capables de connaitre leurs droits et de défendre leurs intérêts sans passer par des intermédiaires
Remédier aux déficiences systémiques
Conscients des limites et des difficultés opérationnelles auxquelles se heurte la coopération pour le développement pour remédier aux carences systémiques dans les pays partenaires de la région, un certain nombre de pistes ont été identifiées. Elles doivent être explorées plus avant pour rendre les mesures de conservation plus équitables et responsables, plus collaboratives et mieux ancrées dans les communautés locales. Entre autres, il est nécessaire d’appuyer l’élaboration et la mise en œuvre de mécanismes de règlement des griefs adaptés au contexte local et d’améliorer la diversité et la qualité des modèles de gouvernance pour une meilleure appropriation par la population locale de la conservation de la nature et de la gestion durable des ressources naturelles.
Par
Kirsten Probst (FMB, Eschborn) and Danièle Fouth (BGF, Kinshasa)